Le 29 novembre 1789, à 2 heures de l’après-midi, dans la plaine d’Étoile, en Dauphine, se sont réunies sous les armes et par grands détachements, les gardes nationales de Valence, de Châteauneuf-d ’Isère, de Saint-Marcel, de Fauconnières, de Plovier, de Loriol, de Livron, de Clious, de Saillans, du Pouzin, d’Étoile, de Beauchastel, de la Voulte, de Charme, de Montéléger, d’Allex (*), de Pierre-Gourde, de Beaumont, de Lavache et Montoison, autorisées par les délibérations de leurs ommunautés et représentant douze mille six cent cinquante citoyens, soldats de la Patrie, armés.
Ces différents régiments, commandés par leurs chefs, et réunis autour de leurs drapeaux, ont prêté le serment d’union et d’alliance de la manière suivante :
Nous, citoyens français de l’une et l’autre rive du Rhône, depuis Valence jusqu’au Pouzin, réunis fraternellement pour le bien de la cause commune, jurons à la face du Ciel, sur nos cœurs et sur ces armes consacrées à la défense de l’État, de rester a jamais unis, abjurant désormais toute distinction de province, offrant nos bras, notre fortune et notre vie à la Patrie et au soutien des lois émanées de l’Assemblée nationale ; jurons d’être fidèles au Monarque qui a tant de droits à notre amour; jurons de nous donner mutuellement toute assistance pour remplir des devoirs aussi sacrés, et de voler au secours de nos frères de Paris ou de toutes autres villes de la France qui seraient en danger pour la cause de la liberté.
Déclarons, par le même serment, que, dès ce moment, tout ce qui est relatif aux subsistances est sous notre sauvegarde, et que nous favoriserons non seulement les transports de blés par terre et sur le Rhône, mais que nous nous aiderons mutuellement dans nos propres approvisionnements, en laissant, néanmoins, toute liberté au commerce des grains dans l’intérieur du Royaume.
Jurons de regarder comme coupable et de livrer aux lois quiconque oserait se permettre, soit en paroles, soit par écrit de manquer au respect dû au plus juste, au plus populaire et au plus adoré des rois, ainsi qu’aux décrets de l’Assemblée nationale, ou qui n’aurait pas les égards dus aux nobles fonctions des gardes nationales.
Cet auguste serment, prêté avec toute la solennité possible, a été suivi de la réunion la plus fraternelle entre MM. les chefs des différents corps, ainsi que de toutes les gardes nationales, sans distinction; et, de suite, on a procédé en corps d’Assemblée, et par appel des voix, a la nomination de neuf commissaires généraux pour former un Comité militaire, dont trois du Vivarais et six du Dauphiné.
La pluralité des suffrages a été pour MM. DUCLUSEAU de CHABREUIL, commandant de la Voulte ; FAUJAS de SAINT-FOND, commandant des gardes nationales de Loriol, Livron et Clious ; De
JOSSELIN, commandant de celles de Valence; BARNAVE, commandant de celles de Saillans ; DUBESSÉ, commandant de celles de Châteauneuf d’Isère ; DAUTEVILLE, commandant en second de celles de la Voulte ; BELIN, commandant du Pouzin ; BBLACHETTE, fusilier de celles de Valence ; MELLERET (**), colonel de celles d’Étoile.
On a procède, de même, a la nomination de deux Secrétaires et d’un Trésorier. Les voix ont été pour MM. DAUTUSSAC, de Pierre-Gourde, et pour POULAT, de Beaumont, en qualité de secrétaires, et pour M. BÉRENGER, en qualité de trésorier.
Il a été statue qu’il existerait une correspondance régulière et suivie entre tous les corps de la Confédération patriotique par la voie de MM. les Commissaires, qui pourront être changés a toutes les nouvelles assemblées, qu’on tiendra tous les quinze jours, si le temps le permet, ou, au plus tard., tous les mois. Et pour témoigner aux braves et loyaux Vivarais la reconnaissance et la fraternité des Dauphinois, ici présents, il a été unanimement proposé et résolu de tenir l’Assemblée prochaine a la Voulte, en Vivarais, le vingt-six du mois de décembre 1789, par une députation des officiers supérieurs, d’un capitaine, d’un lieutenant, d’un sous-lieutenant, d’un sergent, d’un caporal et de quinze soldats, au moins, de chacun des régiments confédères.
Il a été en outre arrêté que la convocation fédérative, adressée par MM. de la Voulte, le discours de M. DUCLUSEAU de CHABREUIL, la réponse de FAUJAS de SAINT-FOND, et le présent procès-verbal seront imprimés, qu’il sera voté des remerciements à M. DUBESSÉ sur son zèle patriotique au sujet des renseignements particuliers qu’il a communiqué aux chefs des différents corps, ici présents, sur les démarches suspectes de l’aristocratie, et que copie du procès-verbal sera adressée à l’Assemblée nationale, aux députés du Vivarais et du Dauphine, à M. le maire de Paris, à M. le marquis de LAFAYETTE, avec prière d’en faire part à la municipalité et à la garde nationale de la même ville.
Arrête que l’original du présent procès-verbal sera déposé, jusqu’à nouvel ordre, dans les mains de M. DUCLUSEAU de CHABREUIL, et que des copies collationnées seront remises à MM les Commissaires, secrétaires et trésorier, ainsi qu’à toutes les communautés confédérées qui en réclameront des extraits.
(*) Sur l'original, on trouve Alais, mais il s'agit évidemment d'Allex ainsi que le prouvent les signatures des fédérés de cette commune.
(**) Relevons ici l'erreur ou la mauvaise foi de l’historien Anatole de GALLIER : l’Assemblée Constituante (pages 24-25). Ceux qui sont au courant des faits nous comprendront.