Étoile-sur-Rhône 39-45

Lucien Micoud, étoilien par alliance

Lucien Marie Elie Micoud est né le 15 juillet 1914 à Senlis (Oise), son père, Lucien Isidore, est professeur à l’Institut Saint-Vincent à Senlis (qui existe encore).

La famille Micoud vient à Romans au début des années 1930, ville originaire de la mère de Lucien (Marie-Antoinette Gilibert) et où aussi, une partie de la famille Micoud a élu domicile.

Le père de Lucien rejoint l’école Saint-Maurice de Romans où il enseigne les mathématiques.

Les familles Coureau et Micoud habitent avenue Thiers à Romans.

Le père de Lucien Micoud a dans sa classe Gustave Coureau et Bruno Larat.

Les familles Coureau, Micoud et Larat sont de fervents catholiques que l’on retrouve dans de nombreux mouvements. Gustave Coureau Lucien MICOUD a en charge d’aider quelques élèves, dont Bruno Larat dans la pratique religieuse. Dans une lettre de Gustave à Bruno en  mai 1931 : …je ne vous oublie pas, […] tous mes petits frères que Dieu m’a confié la garde, et chaque matin, avant d’aller à l’usine, je pense bien à vous dans la jolie petite église de Butzbach [Allemagne]. Plus tard, Charlette Larat, sœur de Bruno, est la cheffe louveteau de Pierre Coureau, premier fils de Gustave Coureau.

Gustave Coureau (né en 1913) se marie très jeune en 1933 et doit prendre la succession de son père à la tête de l’entreprise de fabrication de chaussures Coureau à Roman.

Lucien Micoud (né en 1914) et Bruno Larat (né en 1916) s’engagent dans la carrière militaire et sont rappelés tous les deux en 1939 avec le grade d’aspirant.

Fin tragique pour Bruno Larat, qui est arrêté en même temps que Jean Moulin, à Caluire, chez le docteur Dugoujon, déporté vers le camp de Buchenwald, il meurt d’épuisement à Dora.

Lucien commence ses études supérieures au Lycée du Parc à Lyon et se prépare à des études longues. Il échoue le concours d’entré à Polytechnique, il obtient une licence de math ce qui lui permettra plus tard d’enseigner les mathématiques. En septembre 1939, après plusieurs années de sursis, il intègre  la 81e compagnie d’infanterie pour quelques mois.

En janvier 1940, il commence la formation d’Élèves Officiers de Reserve (EOR) à Saint-Maixent (Deux-Sèvres) et en sort cinq mois plus avec le grade d’aspirant et est affecté au dépôt d’infanterie 144 à Romans. Il est démobilisé en août 1940.

Lucien Micoud passe les premiers mois d’occupation en Haute-Savoie et après l’armistice, il participe à la récupération et au camouflage d’armes avec les officiers du 27e bataillon de chasseurs alpins d’Annecy.

La Haute-Savoie, voisine de la Suisse, est le terrain idéal pour l’activité des passeurs. Avec l’aide des Compagnons de France, le passage en Suisse de personnes traquées, israélites, allemands exilés, est organisé. Lucien Micoud participe à une rencontre de Français résistants résidents à Genève, afin d’organiser une filière permettant le transit de la Suisse vers l’Espagne.

Lucien Micoud rendu à la vie civile doit trouver un emploi qui lui permette de cacher ses activités clandestines, il se tourne vers Gustave Coureau qui a pris la direction des Compagnons de France de la Drôme. Fin 1941, Micoud devient le nouveau chef de baillage de Montélimar et adjoint à Gustave chez les Compagnons de France.

En octobre 1942, lors d’un stage de chef compagnons au château de Saint-Sorlin[1], nord Drôme, il devient ami avec Pierre Laurent, chef de baillage du centre Drôme, qui l’invite souvent  chez-lui à Étoile-sur-Rhône. Lucien rencontre une jeune fille qu’il épouse en 1943.

1943, la Relève n’a pas donné les résultats espérés par l’occupant allemand, le gouvernement met en place le STO, Service de Travail Obligatoire. Joseph Micoud, frère de Lucien, menacé par ce nouveau dispositif, rejoint la Communauté de travail Marcel Barbu qui possède une ferme à Combovin, contrefort du Vercors.

Marcel Barbu[2] fait partie des Compagnons de France depuis son expulsion de Besançon en septembre 1940. En novembre 1942, il a été arrêté et interné à Fort-Barraux (Isère) pour refus de donner la liste de son personnel et s’oppose à la Relève.

Les interventions de Gustave Coureau, et d’autres, permettront sa libération en fin de l’année 1942.

C’est ainsi que Lucien Micoud décide de se rendre à la ferme de Mourras à Combovin pour rencontrer son frère mais aussi de mieux connaitre ce lieu qui devient vite le refuge des jeunes gens refusant le STO.

C’est à pied que Lucien Micoud fait le trajet et dans le bulletin de la communauté Barbu (numéro 6 du 1er septembre 1943), Lucien fait part de sa première visite à la ferme de Mourras à Combovin, en été 1943, dont le titre est : Cinq minutes de pose dans un sentier

La plaine est là, à mes pieds, devant moi, calme, aplatie, étalée sous le dur soleil.

La plaine avec sa vie organisée, facile, avec ses plaisirs, ses cinémas et tout ce qu’il faudra.

Derrière moi, je sais, je crois, qu’il y a le plateau, avec sa vie rude, occasion de fertiles victoires sur soi-même.

Je fais la pose, au milieu d’un sentier qui monte désespérément sans que j’en vois le bout.

J’en ai plein les jambes, pleins les reins, plein la tête.

Le sac pèse sur le dos. Il me parait lourd au point de me faire presque regretter l’arrachement de la plaine.

Et puis, après tout, que trouverai-je là-haut ?

Pour avancer, il va falloir monter.

Pour reculer, il me suffira de descendre.

Avancer-Monter ?

Reculer-Descendre ?

Avancer ou reculer ?

Il faut avancer sans penser à rien d’autre qu’à monter pour faire un pas de plus.

Que je suis loin des routes goudronnées !

Impossible de rester sur place, de stationner.

Il faut prendre position.

Lâchetés ou héroïsme.

Rester soi-même ou se dépouiller, rompre avec le passé.

Se renoncer.

Avancer !

Monter !

Dans son livre « Nous étions cent cinquante maquisards », Lucien Micoud explique comment les jeunes compagnons ont largement contribué à la création de la 6ème Compagnie du 2ème Bataillon, 1er Régiment de la Drôme.

Au 6 juin 1944, les compagnons de Crest, d’Étoile et de toute la vallée de la Drôme  rejoignent le maquis, soit, pour le plus grand nombre, dans la 6ème compagnie dirigé par le capitaine Georges Brentrup (Ben) avec les lieutenants Laurent et Micoud, soit pour quelques-uns à la 4ème compagnie dirigée par la capitaine Jean Planas (Sanglier).


[1] Le centre de Saint-Sorlin est spécialisé dans la formation de chefs pour les différents mouvements pour la jeunesse : étudiants, instituteurs, moniteurs de colonies de vacances…, puis les Éclaireurs continuent d’organiser des stages qui leur sont spécifiques, en utilisant les locaux mais avec leur pédagogie.

[2] La Communauté de travail sera plus connue après la guerre sous le nom de Boimondau : Boite de Montres du Dauphiné, nom de la société créée en 1941 par Marcel Barbu

Lucien MICOUD  

Elles sont loin les actions en Savoie de passeurs et de dissimulation d’armes, en Drôme c’est l’action armée qui se prépare et Lucien Micoud y participe activement.

Coureau, très affecté par l’arrestation de son ami Bruno Larat, Micoud, Laurent, et Barbu, même si celui-ci ne préconise pas l’usage des armes, sauf pour se défendre, chacun à leur façon, préparent les jeunes du mouvement Compagnons à la Résistance.

À la dissolution du mouvement Compagnons en janvier 1944, c’est dans la clandestinité qu’ils trouvent la sécurité. Gustave Coureau, qui était devenu chef du service social de la communauté Barbu, doit rapidement se réfugier à Paris avec toute sa famille et mettre de la  distance avec la milice drômoise qui avait prévu de l’arrêter. Pierre Laurent le rejoint pour quelque temps, puis prend un emploi dans une scierie en Drôme.

Lucien Micoud trouve un emploi de moniteur d’éducation général dans un collège technique de Valence. Il fait partie de ceux qui essayent de faire vivre les Compagnons de France en gardant contact avec les jeunes des différentes compagnies. Ce n’est pas de tout repos car il est recherché par la milice. En mai 1944, il échappe de justesse à celle-ci qui était venue l’arrêter au collège. Averti à temps, il rentre précipitamment chez-lui, rue Rabelais à Valence, pour faire disparaitre des documents compromettants : fausses cartes d’identité, quelques numéros de Témoignage chrétien… juste le temps de disparaitre par le jardin que déjà la milice est à la porte.

 

Le 6 juin 1944, comme dans toute la France, Lucien Micoud prend la tête de l’une des trois sections de la 6ème compagnie dirigée par Georges Brentrup, en grande partie composée des membres des Compagnons de France. Les compagnons de la Drôme n’ont pas basculé soudainement dans la Résistance le 6 juin 1944, c’est le lent travail et l’engagement des dirigeants qui, dès l’occupation de tout le pays le 11 novembre 1942 par les Allemands et les Italiens, ont choisi la Résistance armée.


Lucien MICOUD  

Lucien Micoud[3], avec sa compagnie, rejoint sa base à Vaunaveys pour s’entrainer et se mettre en ordre de marche. C’est à Vaunaveys que Lucien apprend la naissance du son premier garçon en juillet 1944.

Le 30 août 1944, l’ordre est donné d’occuper Valence dès le lendemain à l’aube. À 4 heures du matin, la 6ème compagnie, qui attendait à Chabeuil, à quelques kilomètres de Valence, se met en branle, dans une nuit particulièrement noire, et prend la direction de la ville pour se positionner au Champ-de-Mars et occuper les locaux de la poste. C’est chose faite au milieu de la matinée, ils n’ont rencontré que peu de résistance de la part de l’occupant qui était pour la plupart de passage pour rejoindre Lyon.


3septembre 1944. Défilé dans Valence libéré. Lucien Micoud reconnaissable, chef de la colonne de droite (sur la photo) et portant une barbe.

[3]Lieutenant FFI, 6e compagnie, 2ème bataillon de la Drome, Croix de guerre

À la libération, le nouveau gouvernement de Charles de Gaulle dissout tous les mouvements de jeunes issues de l’État français, même les Maison de jeunes.

Lucien Micoud devient le délégué départemental du mouvement FUJP, Force Unie de la Jeunesse Patriotique qui milite pour le retour de structures au service des jeunes comme les Compagnons de France qui, vu la place prise dans la Résistance, ne doivent pas être sanctionnés par la dissolution. Le Fujipé désigne des délégués pour toutes les instances officielles d’après-guerre, comme les Comités de libération. Il bénéficie d’un relais dans la presse, le journal Le Réveil relaie tous les communiqués

Peine perdue pour le mouvement compagnons dont la dissolution est confirmée, l’idée des maisons des jeunes est reprise par la création des MJC, Maisons des Jeunes et de la Culture..

Lucien Micoud, après avoir participé à la libération de Valence, fait partie du Comité de Libération de la ville. Il se présente aux élections municipales du 29 avril 1945 à Valence sur la liste MRP, Mouvement Républicain Populaire (tendance démocrate-chrétienne).

Après la guerre, passez sa tentative politique, Lucien Micoud occupe un poste d’enseignant en mathématiques à Saint-Anne puis à Saint-Victor mais il est attiré par le journalisme qu’il pratique à temps partiel au journal Le Réveil, grand quotidien catholique de la Résistance du Sud-Est, qui devient « grand quotidien du Sud-Est » en novembre 1944, il cesse sa parution en 1952.

Est-ce que Lucien Micoud connaissait Fernand Vignon avant d’entrer au journal Peuple libre ?

Dans le milieu où tous collaborateurs à un journal devaient se croiser, l’un et l’autre partageant le même engagement religieux, se côtoyaient certainement.

Mais peut-être pendant la guerre ?

Par les Compagnons de France ? Dans le bulletin Le Semeur, l’abbé Vignon fait référence au journal Compagnons. Lucien Micoud, en tant qu’adjoint au chef des Compagnons de France de la Drôme, participe dans tout le département à des assemblées et c’est le cas à Saint-Vallier. Lors de grandes manifestations, les notables, dont le curé, se retrouvent au coude à coude. Les Compagnons de la musique (groupe faisant partie des Compagnons de France et devenant après la guerre les Compagnons de la chanson) sont venus plusieurs fois à Saint-Vallier accompagnés des responsables départementaux.

Est-ce dans la Résistance ? Lucien Micoud et Fernand Vignon n’ont pas le même parcours dans ce mouvement. Dès le 6 juin 1944, Micoud a choisi la voix militaire, Vignon, reste auprès de ses paroissiens pour les soutenir et les inviter à s’engager aux côtés de ceux qui souffrent de l’occupation du pays.

En 1955, Lucien Micoud entre au service de Peuple libre, il a la responsabilité de la chronique locale. Ce n’est pas pour le salaire que Lucien Micoud entre au journal qui n’était pas toujours garanti, ni pour les conditions de travail, car relégué sur une petite table dans l’arrière-boutique de la librairie, c’est de participer à la vie de la presse catholique.


Lucien MICOUD  

En septembre 1979, à 65 ans, il prend sa retraite du journal, mais ne fuit pas l’écriture.

Il s’installe à Étoile avec son épouse qui décèdera en 1980.

Lucien MICOUD  

Il se consacre à l’écriture et publie en 1981, l’histoire de la 6ème compagnie des FFI de la Drôme où il rend hommage à ses compagnons de lutte et de résistance. C’est aussi son histoire.

Il décède à Valence le 4 novembre 1987.

Archives départementales de la Drôme :

Peuple libre

                  État civil

Bibliographie :

Nous étions cent cinquante maquisards… Lucien Micoud. Lucien MICOUD

Les Compagnons de France du Valentinois » de Michel Chaudy Lucien MICOUD

 

Date de dernière mise à jour : 17/11/2023

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