Étoile-sur-Rhône 39-45

Sinistres de guerre

Deux vagues de bombardements s’abattirent sur Étoile. En 1940 par les Allemands et en 1944 par les armées anglo-américaines.

En juin 1940, peu de dégâts, la Wehrmacht bute sur la rivière Isère, au nord de Valence.
Les années 1942-1943 sont relativement calmes sur le front de la guerre aérienne.
Mais l’année 1944 fut terrible par les destructions, surtout à Portes-lès-Valence, auxquelles il faut ajouter les vols et pillages dû à l’armée allemande qui stationne sur la commune ou lors de la retraite de la 19ᵉ compagnie.

Les bombardements ne visent jamais Étoile directement. Au Nord, sur la commune de Portes-lès-Valence, se trouvent une importante gare de triage et des ateliers de réparation de la Compagnie Paris-Lyon-Marseille, c’est ce site qui est visé. Les avions guidés par le Rhône et la nationale 7, dans un sens ou dans l’autre, laissent tomber les bombes en chapelet qui s’éparpillent sur plusieurs kilomètres. De la gare de Portes à la ferme La Poulate il y a plus de six kilomètres en ligne droite.

La commune de Portes-lès-Valence (2700 habitants au début des années 1940) compte 145 voies sur la ligne Paris-Lyon-Marseille (PLM), de nombreuses machines, et de dépôt de carburant.

Jusqu’à l’armistice de juin 1940, l’armée allemande, qui progresse rapidement en direction du Sud de la France, bombarde toutes les infrastructures pour ralentir l’arrivée de renforts français. C’est le cas le 22 juin 1940, juste avant la signature de l’amnistie.

En 1944, ce sont les aviations alliées qui font sauter tout ce qui peut empêcher la retraite de la 19e armée allemande qui se hâte pour rejoindre les armées qui se battent au nord. Plus de  2000 sinistrés sont comptés sur la commune de Portes, Étoile en recueille un certain nombre.

Étoile-sur-Rhône-BombardementsLes bombardements de Portes-lès-Valence du 1er et 2 juin 1940, le maire déclare plus de deux cents bombes tombées sur le territoire de la commune d’Étoile ayant creusé des excavations.
Treize propriétés sont touchées, dont : trois à La Paillasse, deux aux Basseaux, aux Dilliers et aux Roberts, une aux Battendons, Le Chez, aux Chaux, Comte. Toutes ces exploitations agricoles sont de chaque côté de la N7.

Dans une note aux maires, la Gendarmerie de Livron rappelle les directives du général commandant la 14e région :
Les bombes non explosées peuvent comporter un dispositif à piège fonctionnant en cas de déplacement ou à retardement pouvant atteindre dix jours.
Se méfier particulièrement des bombes peu enterrées.
Prière de donner des instructions, pour, dans tout cas suspect, évacuation immédiate autour du point de chute, d’une zone de sécurité variable suivant la dimension de l’engin.
Toute bombe non éclatée sera immédiatement signalée à la Gendarmerie qui en préviendra la subdivision.

À partir d’août 1940, André Fargeot, ingénieur des Ponts et Chaussées, rend visite aux sinistrés qui ont fait une déclaration en mairie pour déterminer l’ampleur des dégâts et proposer une indemnité.

Le bombardement du 2 juin 1940 a fait un mort sur le territoire de la commune. Le caporal Joseph Edmond Fontanier (né le 7 mars 1901 à Pessan, Gers) faisait partie du génie de l’armée des Alpes cantonnée à Livron, il réparait la ligne électrique qui longe les voies ferrées au niveau du hameau de La Paillasse, l’éclat d’une bombe l’a mortellement atteint.

Le bombardement de Portes-lès-Valence commence dès le début du mois d’août par l’aviation américaine. L’objectif est d’affaiblir les forces allemandes et leur interdire de se porter en renforts sur les terrains d’opération du nord de la France.
Les bombardements sur Portes, dont l’objectif est la gare de triage et les voies ferrées, débordent sur la commune d’Étoile : les 2, 4 et 6 août 1944, puis les 27 et 28 août, pour ralentir le retrait de la 19e armée allemande.

C’est lors d’un bombardement que le café de la gare [1], situé au croisement de la route qui monte au village et du chemin qui mène à la gare, près du passage à niveau, coincé entre la voie ferrée et la nationale 7, accueille principalement des personnes de passage.

Par vagues de 20 à 25 avions américains, effectuant une dizaine de passages à 1000, 1500 mètres d’altitude. Les avions viennent du Sud, ils prenaient la direction Sud-est/Nord-ouest.
Il n’y avait pas de service d’alerte organisé qui aurait pu avertir la population.
Les bombes sont tombées à environ 300 mètres de leurs objectifs les 2 et 6 août, à plus de 3 Km le 4 août. Voir le témoignage de Rambert Georges à la Poulate
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Étoile-sur-Rhône 39-45-Le Lambert

Trois bombes 200 à 300 Kg n’ont pas éclaté. Pas de morts pendant ces jours, mais deux blessés.
Cinq bâtiments détruits sont inhabitables et 29 autres sont endommagés.
Le pont de chemin de fer du Maroc, sur la commune d’Étoile, c’est écroulé.
L’une des bombes tombe au milieu du ruisseau « Le Lambert », produisant un petit lac encore visible aujourd’hui.  

 


Dans un seul cas, le service incendie de la commune est intervenu, la pompe n’a pu être transportée qu’avec une voiture à cheval par défaut d’autre moyen de traction, le but a été d’assurer la protection des maisons voisines.
Lors d’un incendie, les Allemands ont interdit d’approcher le sinistre.

Du 22 au 26 août 1944, tous les jours, la gare d’Étoile est mitraillée. Le 29 août, encore un mitraillage de la gare, les files des commandes des panneaux de signalisation sont détruits. Les soldats allemands pillent la gare et le logement du chef de gare.
Un camion, chargé de munitions, est, lui aussi, sous les feux de la mitraille aérienne, il explose provoquant l’incendie de deux maisons.

Une vingtaine d’abris sont prévus et pour chacun un responsable. Ils se trouvent au village qui concentre la majorité de la population et peuvent accueillir 650 personnes. Mais ils ont peu servi.

[1] Sur les ruines de ce café, une chapelle sera construite Étoile-sur-Rhône-Bombardements

Depuis le début de l’année 1944, des groupes de soldats allemands occupent plusieurs points sur la commune.
C’est le château de La Paillasse (château Tézier) qui est réquisitionné, puis le château Clavel. Quelques grosses fermes ont été occupées quelques jours lors du passage de la 19e armée.
Ils sont de plus en plus nombreux à faire la police sur la nationale 7 qu’il devient plus difficile à emprunter pour aller à Portes ou Valence, mais aussi pour se rendre au village.
Les vols, pillages et destructions d’immeubles touchent plus de 160 familles sur Étoile.

Quelques exemples de déclaration de sinistres :
Monsieur Étienne Tézier, par lettre du 7 mars 1944 au Préfet de la Drôme : Lundi 28 février 1944, vers midi, des soldats allemands descendaient d’un camion dans le hameau de La Paillasse, commune d’Étoile, et un des leurs, sonnait chez-moi et insistait pour être logé sans délai.
Une chambre, meublée d’un lit avec matelas, couvertures et draps, de fauteuils, toilette et tables fut donnée. Un instant après cinq autres militaires demandaient de se joindre à leur camarade. Ni les uns, ni les autres n’avaient de bons de réquisition. On mit donc un lit de plus et la literie complète, ainsi qu’un matelas sur le parquet dans la première chambre.
Mardi 29, un adjudant-chef faisait la même sommation pour son propre compte, une seconde chambre fut occupée. Le mercredi 1er mars, nous dûmes faire dresser un second lit dans cette chambre pour un caporal.
Le samedi 4 mars, une troisième chambre fut donnée à un dixième soldat. N’ayant plus ni de matelas ni de couverture, je les empruntais dans le hameau et je fournissais les draps.
Tous ces hommes sont des gardes du pont de chemin de fer, sur la Véore.
… Le 14 juin mon immeuble était occupé presque entièrement, 10 pièces par l’État-Major. Un groupe important de lourds appareils motorisés a été abrité dans mon parc et propriété de 6 hectares, faisant de très importants dégâts. De plus, un portail de fer d’entrée du parc et l’un des piliers ont été renversés et mutilés aux passages fréquents des appareils, un second portail de fer a été aussi sérieusement endommagé.
J’ai fait constater la disparition de 600 à 800 kg de bois pris dans ma réserve et utilisé par les cuisines militaires…
Je me permets de vous envoyer une facture de M. Despesse, électricien à Étoile, s’élevant à la somme de 909 Fr et se rapportant à l’installation de la lumière pour le groupe de sécurité 200.
17 juillet, Je m’empresse de vous prévenir que le groupe de sécurité 200 a quitté mon immeuble depuis samedi dernier, 15 juillet, vers 18 heures.
Ce local, comprenant une chambre et une remise servant de cuisine, a été immédiatement repris par l’État-Major N° 11166.
De plus, la maison entière qui était louée à M. Laurent, et contiguë à l’immeuble principal de La Paillasse, a été occupé également par l’état-major depuis le 10 juillet. Ce logement comprenait un petit vestibule, une grande chambre et une petite chambre, une cuisine, une laverie et une pièce servant de débarras.

Madame Angelina Grand, le 24 juin 1944 : Monsieur la Colonel,
J’ai l’honneur de déposer entre vos mains une plainte contre les vols sous menaces qui ont été commis à mon préjudice les 22 et 23 juin par 4 militaires allemands (très probablement cantonnés à La Paillasse).
Vole du 22 juin. Je suis veuve et vis seuls avec mes quatre petits à la ferme de Maugras, commune d’Étoile.
Pendant que j’étais en train de travailler au 1er étage, le vol a été commis à 14 heures par la cave donnant sur le jardin : il m’a été dérobé un jambon.
Vole du 23 juin. Inquiétée par ce vol, j’ai surpris à la même heure, 4 soldats allemands qui venaient le long de la rivière à travers les arbres.
2 soldats (l’un brun, l’autre très blond) sont entrés chez-moi en me menaçant de leurs révolvers et m’ont forcé à renter dans la maison.
Sous cette menace, ils ont fouillé tous les tiroirs, tous les meubles et ont pris une paire de chaussures toutes neuves que j’avais rapportées lundi dernier de Valence, chaussures de travail, pointure 42.
Les 2 autres dehors avaient un sac et ont pris des poules après les avoir tuées à coup de bâtons.
Quand je leur ai parlé du vol du jambon de la veille, ils se sont mis à rire entre eux.
Je sais, Monsieur le Colonel, que la guerre a quelques fois ses raisons, mais je sais aussi que les soldats allemands ne sont pas de « pillards ».
Aussi, vous demanderais-je de faire une enquête et de punir les coupables qui ont rançonné également toutes les fermes des environs.
J’attends avec confiance votre justice et vous pris…

Monsieur J. Yribarren, le 12 juillet 1944 : Monsieur le Maire,
J’ai l’honneur de vous signaler que la propriété de Clavel (habitation, dépendances et terrains attenants) a été occupée depuis le 9 juillet 1944 à midi par une unité de troupes allemandes sans qu’aucun bon ou ordre de réquisition m’ait été remis ou présenté, comme il eût été réquisitionné par cette unité.
… L’occupation totale comprenant non seulement l’immeuble et ses dépendances, mais également les terrains qui l’entourent et sur lesquels circulaient des véhicules de toutes sortes, qui y sont garés en même temps que divers travaux y sont entrepris.

Monsieur Paul Granval, entre le 7 et 15 janvier 1944
Pillage total, avec constat par la maire. Déménagement complet d’une maison de 12 pièces de tous les meubles et leur contenu ainsi que le contenu de tous les placards réunissant ainsi, outre les vêtements de chacun, toute la literie et le linge de maison.

La villa Mirabel, située à l’angle de la route Étoile-Beauvallon et la route étoile-Gare est incendiée, les soldats croyant voir des maquisards.

Monsieur Jules Gilibert, courant août
…La maison de feu mon épouse à Fiancey a été au cours des évènements de guerre d’août 1944 occupé par les soldats allemands, ma pauvre femme est morte de frayeur des suites des brutalités qu’elle a endurées de leurs parts.
J’ai déposé une liste des objets dérobés par ces troupes allemands… De plus, la toiture de la maison a été crevée à deux endroits par le bombardement.


Étoile-sur-Rhône-Bombardements 

Pour les familles qui ont subi de graves dommages et ne peuvent plus utiliser leurs habitations, des cartes de sinistrés leur sont remises qui leur permettent de recevoir des secours.

Ci-contre, un modèle de carte pour sinistrés


QUARTIERS

SINISTRES

Chabertes

Un Incendie qui a totalement détruit la maison

Il y a eu aussi des vols et des pillages.

Blacheronde

Dans ce quartier, huit déclarations de sinistres.

Quatre immeubles ont subi des dommages partiels. Cinq familles ont déclaré des vols et des pillages.

Aux Iles du Chez

Bombardement partiel

Vols et pillages

La Paillasse

Ce hameau sur la N7 a subi le bombardement de juin 1940 et ceux, plus nombreux, d’août 1944.

Trois maisons partiellement détruites qui ont provoqué un Incendie d’une maison

En 1944, huit maisons ont reçu des visites de soldats allemands qui ont pillé et volé.

Gare

Trois habitations visitées

Incendie du café qui est entièrement détruit et un incendie partiel.

Nombreux vols et pillages

Bosses

Trois bâtiments entièrement détruits par un bombardement

Six bombardements qui ont provoqué de dégâts partiels

2 vols et pillages déclarés

Caires

Deux bombardements partiels et trois vols et pillages déclarés

Mercier

Un vol déclaré

Aux Chaux

Un bombardement en juin 1940 a occasionné la destruction partielle d’un bâtiment.

Champfort

Une douzaine de vols ont été déclarés dans ce quartier après le passage de milliers de soldats allemands

Fiancey

Ce hameau est traversé par la nationale 7, plus près de Livron qui a subi de nombreux bombardements et mitraillages, dont quatre ont débordé sur Fiancey.

Les occupations de bâtiments n’ont pas duré longtemps, sept vols et pillages en 1944 déclarés.

Le moulin

Des vols et des pillages ont été déclarés.

Battendons

Bombardement juin 1940

Vols et pillages en 1944

Le Chez

Destruction partielle lors du bombardement de juin 1940

Cinq vols et pillages en 1944

Comte

Bombardement en juin 1940, incendie total

Deux vols déclarés

Petits et Grands Robins

Trois vols et pillages déclarés

Basseaux

Les bombardements de juin 1940 ont fait des dégâts à trois maisons.

Quelques vols ont été déclarés

Montagner

Un obus est tombé sur la maison qui a provoqué un incendie rendant l’habitation inutilisable. 

Vercors

Trois vols déclarés et un pillage

Papillon

Les bombardements d’août 1944 ont entièrement détruit deux habitations

Les Roberts, Les Dilliers

Les bombardements de juin 1940 ont détruit partiellement des habitations et des hangars agricoles.

Bourg

Cinq bombardements ayant provoqué des destructions partielles

Colombier

Suite au bombardement, destruction partielle d’un bâtiment

Et quelques vols

La Poulate

Deux vols et pillage déclarés par les locataires.

Dans tous les hameaux de chaque côté de la nationale 7 de nombreux vols et pillages ont été déclarés.

En août 1944, l’armée allemande occupe les écoles de la commune.
Dès le départ des soldats, le maire constate les dégâts causés dans les écoles.
À l’école de garçons, la cantine, les salles de classe dont l’une a servi d’hôpital de campagne avec salle d’opération souillant le plancher et les murs, le préau, et le portail d’entrée complétement démoli pour permettre l’entrée des tanks. 93 000 Fr de réparation.
Et l’école des filles, les salles de classes et la garderie ont été occupées, quelques dégradations. 48 00 Fr de réparation
À l’école de La Paillasse, la salle de classe a été occupée, quelques déprédations. Le toit de l’école des filles est mitraillé et le portail abimé par un char. 14 000 Fr de réparation

Le 22 août 1944, l’armée allemande fait une incursion dans le village. Quelques obus sont tirés en direction du clocher de l’église provoquant des fêlures de la grosse cloche, quelques pierres se détachent et cassent des tuiles. Des impacts de balles sont relevés sur la pendule. Le dôme de la chapelle latérale est abimé [Chapelle Sainte-Anne]. Le toit du presbytère a subi quelques légers dégâts ainsi le bureau de poste.
La porte d’entrée du temple est détruite ainsi que quelques bancs à l’intérieur.

Date de dernière mise à jour : 01/07/2024

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