Je venais d’arriver à la maison, quand la sonnette de la porte d’entrée retentit. J’allai ouvrir avec prudence. Un homme que je ne connaissais pas se présenta. C'était le Commandant L'HERMINE, chef de résistance dans la Drôme. Il me demanda où était le Docteur PLANAS (alias SANGLIER dans la Résistance). Je lui dis que ce dernier était parti avec son fils Richard et un groupe d’Etoiliens pour la Paillasse en vue de saboter les voies ferrées. Il me confirma le débarquement et l’application du plan vert, me demanda de prévenir tous les volontaires d’avoir à prendre le maquis et d'envoyer un agent de liaison chez CHANTRE à Beauvallon pour demander à celui-ci de faire sauter le dépôt SNCF à Portes-lès-Valence. CHANTRE n'attaqua pas le dépôt. Heureusement, car les représailles auraient été terribles. Après avoir donné ses ordres le Commandant L'HERMINE demanda à ma femme de lui décolorer les cheveux, afin de retrouver sa teinte naturelle.
Je partis aussitôt dans le village prévenir les gars de chez LAURENT d'avoir à se rassembler au haut village, route de Montoison. J'envoyai mon beau-frère, André MARQUET, prévenir quelques éléments sur Montmeyrand et Beaumont-lès-Valence.
Vers 3 h 30 quelques garçons de la section se mirent en route pour rejoindre Vaunaveys. Il y avait, entre autres, René REY, Jean VIGNAL, Lulu BOIS, Charles VIGOUREUX, Henri ROUVEURE, Alain et Louis OLAGNON, Joseph COLEUR.
Lucien MICOUD, André MARQUET, Marcel BILLON, André ESCOIFFIER, Fernand CHERION, Marcel et Pierre BUIX et moi-même restâmes à Etoile avec la Compagnie SANGLIER.
Le jour venant, le Capitaine SANGLIER donna l’ordre d'aller récupérer les armes au quartier de Rostaing et de les apporter à son domicile. Je ne me souviens plus quel moyen de transport nous avons utilisé. Il me semble que c'était un tombereau et un cheval. Nous avons transporté les armes à bras sur environ 200 mètres pour les charger sur le chemin des Donnays, vers les Trois Châtaigniers. Pour exécuter cette mission, nous étions une dizaine: Louis ROBIN, Marius PEYRARD, SAHY, LAFFARE, CHERION et quelques autres.
À notre r retour, avec Fernand CHERION, nous allâmes à la Marie d'Etoile pour nous faire remettre les listes préparées pour le départ des jeunes au STO (Service du Travail Obligatoire) afin de les soustraire aux allemands.
Pendant ce temps, dans la cour de la villa, les gens s‘affairaient à dégraisser les armes et à pétrir en le plastic pour la confection des grenades GAMMON.
À la suite d’une maladresse d’un de ses membres, la patrouille envoyée pour récupérer les armes déposées dans un cabanon au quartier des Routes, avait été prise à partie par les allemands. Les renforts envoyés avec un camion ne purent faire grand-chose, les ennemis arrivant en nombre. Par manque de coordination, des éléments de la première patrouille se trouvèrent alors isolés dans la maison COMBE. Le Lieutenant RIORY et Georges DURAND furent tués, ainsi que Madame COMBE et son fils François. André CLE YSSAC et Édouard MAVET purent miraculeusement s’échapper par une fenêtre.
Pendant ce temps, pour protéger leur repli, le Capitaine SANGLIER m’envoya avec André MARQUET, Marcel BUIX et quelques autres prendre position à La Côte avec un FM. Nous recueillîmes Gabriel VIOUGEAS qui avait reçu une balle dans le bras. Ne voyant plus personne venir, nous nous repliâmes sur la villa. Pierre LAURENT, qui avait été relâché entre-temps, était là et nous nous sentîmes réconfortés.
Le Capitaine SANGLIER donna alors l’ordre du repli. Nous chargeâmes aussitôt tout le matériel sur le camion, et même dans une ambulance, et nous partîmes en direction de Montoison. Nous ne pûmes aller bien loin. L’ambulance tomba en panne à la montée, juste en-dessous du giratoire actuel. Après plusieurs manœuvres nous parvinrent enfin à la faire redémarrer. Tandis que nous nous affairions à remettre l’ambulance en marche nous avons vu passer les renforts allemands qui venaient du haut de La Place d'Armes et prenaient la descente de La Grand-Rue, mais fort heureusement sans nous voir.
Après un arrêt à Montoison, nous prîmes un chemin à gauche, à la sortie sud du village, en direction d'Upie.
Le camion et son chargement d’hommes et de matériel se dirigea vers Ourches, puis Upie et Vaunaveys, puis la route Crest-Chabeuil. À Vaunavey-Gare il déposa les gars de LAURENT. Passagers de l’ambulance nous fûmes déposés dans les bois. La nuit tombée, nous partîmes à pied pour la ferme RIPERT, au-dessus d'Ourches. Quand nous arrivâmes à proximité, comme la nuit n’était pas terminée, nous prîmes un peu de repos dans une haie.
Le jour venu, les gars du Capitaine SANGLIER s’installèrent à la ferme, tandis que Pierre LAURENT, Marcel BUIX et d’autres partirent pour Vaunaveys afin de rejoindre la 6e Compagnie BEN. À cause des armes je devais pour ma part rester avec le 4e Compagnie SANGLIER jusqu’à la fin juin.
Nous venions de commencer une aventure qui devait durer presque trois mois, jusqu’à la libération de Valence le 31 août.
Tels sont mes souvenirs de ce 6 juin 1944.
50 ans après j’ai pu oublier, bien involontairement, certains faits ou certains noms.
Je présente mes excuses très sincères à ceux que j'ai oubliés.