Le 6 juin 1944, dans toute la France, les gens s’abordaient dans les rues avec un sourire un peu crispé : « Vous savez, ils ont débarqué. Où ? En Normandie ».
Mais pendant que se déroulait la formidable « Opération Overlord » à laquelle participait la France avec les bateaux et les fusiliers-marins des Forces Navales Française Libres que se passait-il en France et en particulier à toile ?
On a trop oublié aujourd’hui que l'annonce du Débarquement devait déclencher le Plan Vert (Les sanglots longs des violons de l'automne… [1]) c’est-à-dire pour la résistance une vraie mobilisation qui lui donnait l’ordre de sortir de la clandestinité et de saboter les moyens de communication de l'ennemi.
En fait tout avait commencé beaucoup plus tôt Il y avait à Étoile des hommes - parfois anciens combattants de 1914 ou de 1940 - qui, quelle que fut leur admiration pour le vainqueur de Verdun et l'espoir qu'ils mirent un temps au début en lui, n'avaient jamais accepté que la France renonçât à se battre. Ils se voyaient par petits groupes : ils avaient caché armes, soit personnelles, soit soustraites aux contrôles allemands, parachutées enfin, de plus en plus nombreuses, par les amis alliés. Il y avait à Étoile plusieurs dépôts d'armes disposés à différents points de la commune.
Un grand jeu de cachette ? Oui, mais dangereux. Je n'en veux pour preuve qu'un épisode tragique qui n’a pas été oublié. Cherchant des armes vers le Cul de la Véore, une patrouille allemande avait arrêté le groupe d'hommes de la ferme le faisant aligner contre le mur et avait emmené un jeune réfugié qui s'était engagé comme domestique chez M. GREGOIRE. Les Allemands l'emmenèrent à leur P.C. de La Paillasse, le torturèrent et l’exécutèrent. On retrouva plus tard son corps enfoui sous la terre, la langue arrachée. Quelle reconnaissance doivent à Albert RÉMY les gens dont il avait, par son silence, sauvé la vie ou les maisons !
À Étoile, le message déclenchant le Plan Vert a été bien compris à la Villa Sol. Au P.C. du capitaine Sanglier (le Docteur Jean Planas). La 4ème compagnie qu'il commande a une organisation militaire. Elle dépend d'un chef départemental, le commandant DROUOT l’'Hermine. Celui-ci est en liaison permanente avec Denis (André ARNAUD [2], capitaine d’active, grand blessé de guerre). Le commandant Drouot l’Hermine, futur compagnon de la libération, doit se déguiser, se faire décolorer les cheveux pour échapper aux recherches de l'ennemi il passe à Étoile et envoie à Beauvallon ou à Livron des agents de liaison pour alerter les groupes.
Dans la nuit du 5 au 6 juin, le capitaine Sanglier accompagné de son fils, le lieutenant Richard descend le long des rives boisées, propices au camouflage, de la Véore, passe sous le pont de la RN 7 et de la voie ferrée et va saboter avec des sacs de plastic le petit ponceau, situé un peu au sud de La Paillasse. La mise à feu est réglée pour une heure du matin. Le petit groupe revient par le même chemin.
Le 6 au matin l’activité est intense : arrivée en groupes ou des isolés, instruction et maniement d'armes venues des différents dépôts où elles étaient cachées. On se prépare à attaquer le poste allemand de La Paillasse et à récupérer les armes déposées chez le cafetier ROBIN.
Un groupe de la 1ère section du lieutenant RIORY et d'Yves MARGERIE avance vers La Paillasse, mais les renforts allemands alertés surviennent en force par la RN 7. Une partie du groupe glisse vers Pouzol, tandis que le lieutenant RIORY remonte vers le bourg d’Etoile.
C'est alors qu'ils sont pris à partie par de nouveaux renforts allemands. Ils ouvrent un feu nourri, mais doivent se replier sur la maison Combes, au carrefour des Routes, à mi-chemin du bourg. Les allemands les encerclent à coups de fusils et de grenades. Coincés dans la maison, blessés ou à demi aveuglés ils ne peuvent s'échapper. Seuls André CLEYSSAC et Dédé MAVET réussiront à sauter par une fenêtre.
Le lieutenant RIORY, Jean DURAND qui « n’a pas voulu abandonner ses copains », Madame COMBES et son fils ont trouvé là la mort. Les allemands mettent le feu à la maison.
Eux-mêmes ont eu des pertes. Un industriel Valentinois, Monsieur Henri BALSAN, revenant de Montélimar a été pris entre deux feux et contraint à se réfugier dans un fossé, ainsi qu'un pharmacien d'Annonay, qu'il n’a plus revu, un peu au Nord de La Paillasse. Tous deux ont été pris par les allemands pour « des terroristes » et menacés. Mais les allemands avaient un blessé : le pharmacien se proposa pour le panser et les allemands les laissèrent partir.
Au bourg d’Etoile le capitaine Sanglier alerté devant un encerclement imminent par le nord et le Sud, donne un ordre de repli général afin de ne pas faire courir plus de danger à la population. Les groupes gagnent alors, Vaunaveys ou Montoison, puis les contreforts du Vercors, en particulier à Ourches, sans être vus par les nouveaux renforts allemands qui investissent Étoile par le haut de la Grand-rue.
Le lendemain le P. C. Départemental félicitait la 4ème compagnie et la citait tout entière à l’ordre du jour, ainsi qu'à titre posthume-le lieutenant RIORY et le soldat Jean DURAND.
Les allemands réagirent en mettant à très haut prix les têtes du capitaine Sanglier et de ses deux fils.
Pour les maquisards une nouvelle étape commençait.
Cet article a été rédigé à l’aide de témoignages écrits de Messieurs Gabriel MICOUD, André CLEYSSAC , Michel PLANAS, René NICOLAS, témoins directs, que nous remercions vivement et de quelques témoignages oraux.
[1] Le poème « Chanson d’automne » de Paul Verlaine :
Les sanglots longs des violons de l’automne
Blessent mon cœur d’une langueur monotone
La version prononcée par Radio Londres diverse suivant les sources : Violons d’automne au lieu de violons de l’automne, et, Berce mon cœur au lieu blesse mon cœur.
[2] Le Colonel ARNAUD restera jusqu’à la Libération chef de l'O.R.A (Organisation de la Résistance Armée) il commandera la subdivision de Valence et à partir d'octobre 1945 la Direction Régionale du Service Social de la 8ᵉ région où il succèdera à son ami le commandant Jean PLANAS (Capitaine Sanglier).