La famille Margerie est très ancienne à Étoile et habite toujours la maison familiale, qui a plus de 300 ans.
Trois générations se côtoient en 1940 et ont passé ensemble les quatre années du conflit : Christian, ses parents et grands-parents.
Christian sait qu’à la campagne, ils n’ont pas souffert de la faim, ce n’est pas le cas des habitants des villes qui étaient nombreux à les solliciter pour acheter des légumes et des volailles. Un mot d’ordre dans la famille : pas de marché noir.
Élever discrètement un cochon et le tuer sans se faire remarquer. Faire des conserves et trouver un endroit sûr pour les cacher. La famille et les amis étaient nombreux et les « Margerie » savaient se montrer généreux.
Le Grand-père Artème [1] Auguste Margerie est né le 7 octobre 1878 à Étoile, comme ses parents, il est cultivateur.
Il fait son service militaire au 2ème régiment d’artillerie à partir du 16 novembre 1899, jusqu’en septembre 1902.
Il se marie avec Noélie Clément en 1908, ils auront trois garçons : Roger, Hubert et Yves.
Il est remobilisé par le décret du 1er août 1914. En octobre 1915, il embarque à Marseille pour l’armée d’Orient qui stationne à Salonique (Grèce) jusqu’à son rapatriement en octobre 1917. En novembre 1916, une chute de cheval l’éloigne du front.
Pendant tout la période de son service militaire, le grand-père écrit plusieurs fois par semaine à son épouse en lui donnant des consignes pour les travaux des champs.
Le père de Christian, Roger Venance Artème est né le 12 octobre 1909 à Étoile.
En octobre 1930, il est incorporé au 152e régiment d’infanterie. Six mois plus tard, il est nommé caporal, puis en août 1931 il est nommé caporal-chef. Démobilisé, il retrouve Étoile en octobre 1931 et est nommé sergent de réserve, puis sergent-chef en 1933.
Rappelé lors de la mobilisation générale du 2 septembre 1939, il est affecté au 140 RIA à Briançon (Régiment d’Infanterie Alpine), réformé temporairement, il est renvoyé en février 1940.
Un oncle à Christian, Hubert Edmond, frère d’Anthelme, né 15 novembre 1911 à Étoile, habite à Portes-lès-Valence, il est cultivateur.
Mobilisé la première fois en octobre 1922 au 7ème Régiment de Génie, il est libéré un an plus tard et est nommé caporal de réserve.
Rappelé en septembre 1939, en même temps que son frère, il est nommé Sergent au 4ème génie. Il est fait prisonnier le 20 juin 1940, et emprisonné au Stalag 12 F à Sarrebourg
Le 18 février 1941, il s’évade avec un ami. Ils teintent leurs vêtements pour faire disparaitre les habits militaires. Ils font une grande partie du voyage à pied, quand ils le peuvent, ils montent dans un train.
Le passage du Doubs se fait sur les ponts en planches, car ils ont été détruits pour retarder l’avancée de l’armée allemande en 1940. Le passage le plus difficile est la ligne de démarcation. Il faut traverser la rivière La Loue à un endroit encore peu contrôlé. L’eau est haute à cette période de l’année et il faut trouver quelqu’un qui possède une barque et toujours resté sur ses gardes. Ouf ! La Loue est passée, ils ont eu peur.
La France coupée en deux ? Hubert et son ami en ont entendu parler, mais ils ne savent pas, dans cette zone dite « libre », quel accueil est réservé aux évadés ?
De train en train, depuis la petite gare de Poligny, proche de la ligne de démarcation, ils arrivent en vue de Valence. Ils profitent du ralentissement du train pour sauter en marche. Ils finissent le voyage à pied jusqu’à Portes-lès-Valence. Ils ont mis moins d’une semaine pour atteindre la Drôme.
Hubert prend contact avec les autorités militaires qui le démobilise immédiatement (le 25 février 1941)
Dans sa famille à Portes-lès-Valence, Hubert se montre discret avant de reprendre les travaux dans les champs.
Deuxième oncle, Bruno Yves, né le 2 février 1921 à Étoile-sur-Rhône.
Son avenir n’est pas dans l’agriculture, il apprend la comptabilité et travaille à Valence.
Il échappe à l’incorporation militaire. Disponible, il est le premier chef de Cité rurale des Compagnons de France.
Le service militaire obligatoire est remplacé par 8 mois aux Chantiers de jeunesse, Étoile fait partie de la province de Provence dont le siège est à Marseille.
Yves participe à deux groupements, le N° 17 à Montrieux près de Méounes dans le Var dont le siège est à Hyères, et le groupement 13 qui est basé à Cavaillon dans le Vaucluse.
Aux Chantiers, Yves est chef d’équipe à Cavaillon, puis à Lagnes dans le Vaucluse. Il effectue un stage à Mérindol (Vaucluse) en septembre 1941.
Il se marie à Étoile avec Léone Dugand en septembre 1942. La première naissance arrive vite, c’est un garçon qu’ils prénomment Bruno.
Les parents Dugand sont boulangers. Les jeunes mariés habitent dans la boulangerie qui faisait l’angle entre la Grande rue et la rue des écoles.
Une petite histoire qui a été à maintes occasions racontée à Bruno. Pendant la guerre, les allemands sont venus dans la boulangerie, plusieurs soldats accompagnés par leur officier. Quelles sont leur intention ? Acheter du pain ou perquisitionner ? À leurs premières questions, tout le monde sait que c’est pour arrêter Yves qui refuse de partir au STO.
Dans son landau, Bruno est habitué aux va-et-vient de la clientèle, souri. Ce n’est pas le cas des adultes de la boulangerie qui savent qu’il y a un parachute qui sèche dans le grenier. L’officier allemand, apercevant le bébé Bruno, lui rappel son enfant en Allemagne qui avait le même âge, le prend dans les bras, complimente la maman qui lui tend le pain demandé. Et c’est ainsi que se passe l’inspection de la maison. Yves s’échappe par le toit. Bruno est le sauveur de la famille, plaisanterie qu’il a entendu à de nombreuses reprises.
Pour ne pas partir au STO, Yves se fait très discret. Il est présent le 6 juin 1944 devant la villa du Docteur Planas où il reconnait de nombreux anciens des Compagnons de France qui vont bientôt se retrouver en première ligne dès l’après-midi où une expédition est décidée pour récupérer des armes du maquis cachées dans une baraque au milieu des champs (près du hameau de La Paillasse), le lieutenant Michel Riory (habitant Chabeuil), chargée de commander ce groupe.
Deux groupes sont formés, Yves prend la direction d’un groupe et se dirige vers le Grand moulin.
Mais l’expédition tourne court par manque d’expérience et de coordination, les armes sont perdues, deux résistants sont tués : Michel Riory et Jean Durand ainsi que deux civils, madame Régina Combe et son fils François, André Cleyssac est blessé.
Après le coup de main raté à La Paillasse, Yves quitte la 4ème compagnie des FFI et s’engage dans l’armée des Alpes pour le temps de la guerre.
[1] Beaucoup d’ascendants de Christian portent le prénom Artème.
Artème tire son histoire de « Artémis », une divinité de la mythologie grecque. Déesse de la chasse, des animaux, de la lune. Divinité de la nature, elle protège les animaux (l'ours, la biche, le cerf, les chiens), contrairement à sa sœur Athéna, qui est la déesse de la guerre. Ses parents sont Zeus et Léto.
Saint Artème, prénom de garçon, est fêté le 25 janvier