Étoile-sur-Rhône 39-45

La guerre se prépare

La première mise en alerte des forces françaises a lieu de mars à avril 1936, à la suite de la remilitarisation de la Rhénanie par le gouvernement allemand. La deuxième alerte se déroule de mars à mai 1938, à cause du rattachement de l’Autriche à l’Allemagne.
De 1928 à 1940, la France construit une ligne plus ou moins continue de Dunkerque à Menton, avec des zones plus faibles notamment face à la Belgique.
Le 23 Août 1939, l’Allemagne nazie et l’Union soviétique signent le pacte de non-agression, dans les protocoles secrets duquel ils se partagent l’Europe centrale. Ce pacte permet à Hitler d’être tranquille sur son flanc Est.
Mobilisation générale le 2 septembre et le 3 septembre 1939, en réponse à l'offensive allemande en Pologne, la France et l'Angleterre déclarent la guerre à l'Allemagne, mais adoptent une stratégie défensive. Les Français, retranchés derrière la ligne Maginot, attendent l'attaque allemande. C'est la « drôle de guerre », qui dure huit mois.

La défense passive est une organisation pour protéger la population en cas de conflit armé. Cette notion est née dans les années 1930 et comprenait essentiellement des mesures de protection en cas de bombardement :
-Mise en place d'un réseau de surveillance et d'alerte.
-Recensement de lieux pouvant servir d'abris.
-Information et sensibilisation de la population sur la conduite à tenir en cas d'alerte : extinction des feux, occultation des fenêtres…
En août 1939, la mise en place des gardes territoriaux est organisée partout en France, face au danger que représente l’armée Allemande.

La mairie, dont le maire est Jules Béllier, invite les habitants, par affiche en gros caractères, à observer, sous peine de sanctions, les mesures d’obscurcissement ordonnées par la défense passive à la chute de jour, aucune lumière ne doit être vue de l’extérieur.
Les infractions à ces ordres feront l’objet de sanctions sévères.

De même en cas de bombardement aérien, il préconise la dispersion dans les rues surtout les groupes doivent être évité.

Vingt-et-un  abris offrant à la population du village une protection en cas de bombardements  sont répertoriés pouvant accueillir plus de 600 personnes. Des caves chez des particuliers, le château de la Boisse et le château Saint-Ange, des porches et des maisons repérées pour leur solidité. Une personne (le propriétaire ou le locataire) et désigné « chef d’abris ».

Plusieurs escouades sont mises en place, en relation avec la gendarmerie de Livron, pour effectuer des patrouilles, des périodes de guet et, le 2 juin 1940, ils sont rassemblés pour rechercher des soi-disant parachutistes ennemis.

Le 20 juin 1940, le maire pose la question au commandant de la brigade de gendarmerie de Livron (dont dépend Étoile) : le service de guet doit-il continuer ? En cas d’avance de l’ennemie, ne serait-il pas opportun de rassembler toutes les armes à la mairie pour éviter une éventuelle catastrophe. Les gardes territoriaux ont encore 70 armes avec eux et 137 sont déposées à la mairie.
Cette incertitude dure encore quelques jours, le 7 juillet 1940 toutes les armes sont rendues.

Le Capitaine Chapelier, commandant de compagnie (à Valence) demande aux maires de désigner quelques gardes nationaux « qui se seraient fait particulièrement remarquer par leur zèle, leur dévouement dans l’accomplissement des missions qu’ils auraient été appelées à remplir » pour leur des félicitations.
Le maire d’Étoile propose 4 gardes :

Auguste Jacouton (de la classe 1913, médaille militaire et citation au cours de la campagne 14-18), maréchal des logis d’artillerie. « Désigné dès le début de la constitution des unités des Gardes territoriaux comme chef de la 1ère Escouade du groupement d’Étoile, s’est dépensé sans compter pour organiser et remettre en main les hommes de cette escouade. A déployé le plus grand zèle et des initiatives particulièrement heureuses pour permettre l’organisation d’autres escouades du groupement communal.
Chef de groupe infatigable. Le 2 juin, un groupe de parachutistes avait été signalé sur le territoire de la commune, effectuant chaque nuit des rondes pour s’assurer que le personnel de garde et de guet effectue son service avec vigilance ».

Émile Fayolle (classe 1915, médaille militaire et plusieurs citations au cours de la campagne 14-18), Sergent chasseur alpin. « Appelé au commandement de la 2ème escouade de gardes nationaux du groupement d’Étoile, a déployé la plus grande ardeur pour l’organisation et la mise au point de cette escouade.
Patrouilleur et guetteur infatigable, s’est dépensé sans compter le 2 juin au cours des recherches d’un groupe important de parachutistes.
Exerçait sur ses hommes un ascendant qui les mettait en garde contre toute défaillance ».

Louis Marquet (classe 1917, soldat). « Garde territorial courageux et dévoué, d’un cran admirable, a assuré un service de guet et de patrouille impeccable. Constamment volontaire, a effectué de nombreuses patrouilles de nuit et a participé le 2 juin à la recherche du groupe de parachutistes ».

Michel Planas (né à Étoile le 6 mars 1923). « Patrouilleur volontaire, d’un cran incomparable, au cours de la journée du 2 juin, alors qu’un groupe important de parachutistes était signalé dans les délaissés du Rhône [1], a assuré dans des conditions qui auraient pu être périlleuses, la liaison entre le chef de groupe et les chefs d’escouade des groupements d’Étoile et de Livron ».

Notes :

[1] Délaissés du Rhône, espace au bord du fleuve, recouvert de limon et de détritus, qui le rend dangereux.

Dupuis août 1939, les familles voient partir leurs garçons, hommes mariés ou célibataires, ils doivent rejoindre les cinq millions de jeunes que représente la mobilisation générale.

À Étoile, le 2 septembre 1939, la Capitaine Gaillard, commandant la 11e batterie du 192ème Régiment d’Artillerie Lourde Tractée - RALT - se présente au maire qui prend connaissance en détail du but de l’installation des militaires dans la plaine d’Étoile, au nord de la gare.
Le 192e RALT est un régiment de l'armée de terre créé en 1924, dissout une première fois en 1926 et recréé à la mobilisation en 1939, sa caserne est à Valence. Il est de nouveau  dissout à l'issue de la bataille de France en 1940.

Le maire et une partie de la population ont bien autre chose à penser : ils préparent la commémoration des 150 ans de la 1ère Fédération Provinciale qui prévoit l’illumination du Monument de la Fédération et le haut du village et l’envoi d’une délégation composée des membres du Conseil Municipal et des enfants des écoles à Vercheny pour la pose de la plaque sur la maison de Barnave et d’autres manifestations.
Le Conseil Municipal, dans sa réunion du 27 août 1939, décide d’allouer une somme pour les festivités : En raison de l’éclat qu’il est nécessaire de donner à la commémoration du 150ème de la Révolution Française en raison de la situation particulière de la commune d’étoile qui a été le berceau de la première Fédération provinciale […], considérant qu’en raison de la situation importante qu’avait occupée dans l’Histoire la 1ère Fédération de novembre 1789, il importait de donner à son cent cinquantième tout l’éclat possible.
Autorise le Maire à prélever sur le crédit des dépenses imprévues la somme 970 Frs comprenant cent-soixante-dix francs nécessaires au règlement des dépenses engagées.

Ensuite, le Capitaine Gaillard est accueilli au Château de la Boisse où il logera.
C’est le lendemain que le gros de la troupe de la 11ème batterie arrive, menée par le Lieutenant Tijeau qui logera aussi dans le château. Le Sous-Lieutenant Peyrin, et ainsi, en quelques jours, tous les sous-officiers trouvent à se loger chez l’habitant (Maréchal des logis : Buisson, Robin, Jean, Brissaud, Rosier, Roche, Coudurier, Barnier, Fessy, Tachard, Ferrand) sont logés au village chez : Combe, Jardin, Blache, Rossille, Quinson, Lerisse, Vernat.

Pendant quelques jours, l’école primaire de garçons est utilisée par l’état-major en attendant la complète installation des hommes de troupe et la mise en marche des fours à pain.
Le 9 septembre, les classes sont rendues aux enseignants (le directeur, Henri Richaud, est mobilisé, de la classe 1925), la rentrée du lundi 2 octobre 1939 peut se préparer.

Les hommes de troupe, plus de 200, ont monté leur cantonnement sur des terrains prêtés par la population, il en est de même pour les animaux. Une indemnité est versée : 3 Frs pour les officiers, 1 Fr pour les sous-officiers, 0,15 Fr pour les hommes de troupe et 0,05 Fr pour les animaux.
Au 31 janvier 1940, tous les militaires ont quitté Étoile.

Étoile-sur-Rhône-La guerre se prépare Les dépôts de remonte étaient des établissements dont la tâche principale était de fournir des chevaux pour les unités militaires. Ils déclinent au cours du XXe siècle avec une cavalerie de moins en moins utilisée par les armées.
En 1939, à Étoile dès novembre, en plus de la fabrication du pain, un dépôt de remonte permet de rassembler les chevaux réquisitionnés dans la région.
Et, dans la prévision de la prochaine guerre, Étoile accueille le centre du secteur postal 124, c’est un colonel qui commande le Dépôt de Remonte Mobile d’Armée. Ces services postaux sont mis en place dans toute la France au moment de la mobilisation générale et jusqu’en juin 1940.
Les gradés sont aussi hébergés chez l’habitant.

 
Face à l’Italie mussolinienne non belligérante, l’armée des Alpes va se réduire comme une peau de chagrin dès le mois de décembre 1939. Les installations militaires à Étoile vont définitivement disparaitre à la fin de janvier 1940.

Étoile-sur-Rhône-39-45, la guerre se prépareQuand la guerre est déclarée, le 2 septembre 1939, j’avais 14 ans. Mon père exploitait une ferme au quartier du Chez. Ce jour-là, et les jours suivants, nous voyons arriver des équipages avec un  nombre important de chevaux qui avaient été réquisitionnés et tout un matériel hippomobile. Il s’installe sur un terrain occupé aujourd’hui par le lotissement des Batistes. Ce même jour, arrive aussi un contingent du 16ème BOA [2] des jeunes militaires, boulangers de métiers pour la plupart. Six d’entre-deux s’installent dans la fenière. Cinq batteries de fours de campagne sont montées sous des tentes sur un terrain (maintenant Mercedes) pour fournir du pain à l’armée des Alpes qui est en position sur la frontière Italienne. Une compagnie de pionniers est venue pendant quelque temps pour aménager tout cela, y compris une route (transport de gravier avec chevaux et tombereaux). Ils logeaient dans le magasin Derlande, une grande remise près de la gare d’Étoile. Après deux mois de fonctionnement des fours, l’Italie alliée de l’Allemagne demeure toujours neutre, tous repartent à la fin de décembre pour le nord de la France. L’Italie déclare la guerre à la France le 10 juin 1940 seulement.

  

[1] Entretien du 13 février 2014
[2] Bataillon d’Ouvriers d’Artillerie dans tous les corps de métiers

Date de dernière mise à jour : 03/05/2024

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