Arrivés à notre point de départ nous constatons que le camion qui aurait dû nous attendre est reparti. Déception du lieutenant, puis nous voyons arriver Gabriel Viougeas qui a reçu une balle dans le bras. On lui demande où sont ses camarades, il ne le sait pas, il s’en va se faire soigner chez le docteur Planas. Ensuite ce sont Courbis et Félix qui reviennent. A la question : « Ya-t-il quelqu'un là-bas ? », ils ne savent pas
Notre chef les renvoie afin qu’ils fassent revenir tout le monde, s'il en reste. Il craint que les renforts ennemis arrivent trop vite. Après que nos deux camarades sont repartis nous prenons position dans les escaliers de la maison Combe.
À peine ont-ils atteint le fossé du moulin de Montagnier que les renforts allemands arrivent, ils sont nombreux, ils aperçoivent nos camarades, une violente fusillade s’ensuit, nos camarades réussissent à leur échapper. À ce moment-là le lieutenant pense que nous devrions nous replier.
Jean Durand dit alors « qu'on ne va pas abandonner les copains » (que nous croyons encore nombreux sur les routes) et puis nos renforts vont arriver pour nous aider.
Quelques véhicules ennemis (voitures découvertes) avancent le long de la route. Quand ils sont à portée de fusil nous ouvrons le feu avec nos « Sten ». Ensuite nous nous replions dans la cuisine, de la maison, située au premier étage. À peine entré le lieutenant nous dit qu'il ne faut pas rester là, il a le pressentiment que cette maison peut devenir un piège. Il sort et franchi, sous une violente fusillade, les quelques mètres qui lui permettent de descendre dans un hangar.
Nous sommes coincés dans la pièce. Par la porte, c’est une nuée de balles qui vient frapper le mur du fond, nous essayons d’ouvrir une porte intérieure, elle est fermée. Quand nous regardons la route nous voyons les Allemands embusqués, qui mettent aussitôt en joue. Puis c’est une grenade offensive qui arrive jusqu’au milieu de la pièce et explose. Je suis protégé par la table, mais reçois quand même un éclat dans le bras. Jean Durand est touché aux jambes. Édouard Mavet n'a que quelques égratignures. Nous sommes sonnés, nos oreilles sifflent. Nous pensons que notre dernière heure arrive.
Personnellement je tente le tout pour le tout, saute par la fenêtre et me trouve, tout étonné, derrière le mur de l’autre côté de la route. J’ai réussi à passer les quelques 20 mètres qui me séparaient de l’abri du mur du pavillon, malgré les balles sifflant au-dessus de ma tête.
À travers les récoltes je réussis à gagner le coteau d’Étoile. À un moment je me retourne et je vois Dédé Mavet qui a réussi à passer lui aussi, par miracle. Je me dirige alors vers la ferme Mounier à la Côte, où je vois du monde, ce sont les habitants de la ferme. Mais à peine arrivé, je suis pris à partie par un fusil mitrailleur qui tire de je ne sais où. Je repars à la course et subis le tir jusqu’à ce que je me trouve sur le chemin du Setty.
C’est vers Montmeyran où j’ai des cousins que je me dirige. En chemin je rencontre le Lieutenant René Ladet (Jeannot dans la Résistance, commandant de la 10ème compagnie, 2ème bataillon) et Henry, électricien à Beauvallon. Ils m’emmènent à la ferme Cros aux Bois où on soigne ma blessure que l’on désinfecte avec de l’eau de vie. Je passe la nuit chez mes cousins tout proches. Le lendemain mon père, prévenu, me conduit chez le Docteur Nivière. Il m’apprend que le lieutenant a été tué ainsi que Monsieur Combe et qu’on a retrouvé le corps carbonisé de Jean Durand et celui de Madame Combe dans la maison qui a brûlé.
Le camion était remonté avec le reste du détachement sans attendre le chef.
Peut-être, par notre action, nous avons protégé le départ de tous les résistants en retardant l’arrivée des Allemands dans le village ?