Travaillant 12 heures par jour pour exécuter des outillages servant à la fabrication d'Avions ou de Fusées V2, nous avions l'expérience du sabotage, et beaucoup d'outillages n'ont jamais servi. (Mais il ne fallait pas se faire prendre et le faire intelligemment).
Avec Marcel BARBU, nous avions organisé une Équipe de Solidarité pour les camarades les plus mal en point, avec les quelques colis de la Croix-Rouge qui nous parvenaient.
Les soirées de Conférences sur son expérience avec la Communauté rassemblaient pas mal de monde ; il nous parlait de ses problèmes avec les autorités d'occupation et l’Administration de PÉTAIN, et des arrestations des membres de la Communauté.
L'organisation du NOËL de décembre 1944 dans la Cantine de l'Usine alors que nous connaissions les revers de l'Allemagne sur tous les fronts et que notre moral remontait… tandis que celui de nos gardiens S.S. avait tendance à baisser.
Après l'avance Alliée et la percée vers AIX LA CHAPELLE, le Commando fut évacué fin Mars 1945, et après une marche de trois jours, nous nous retrouvons au Camp de BUCHENWALD.
Affectés au Bloc 10, nous attendions sans savoir quel sort nous serait réservé.
C'est alors que le 8 avril 1945, les S.S. encerclaient les Blocs et nous évacuaient en direction de la Gare de WEIMAR, entassés à 120 dans des wagons à charbon, sans même la possibilité de pouvoir s'asseoir.
Ces convois que l'on a appelés les MARCHES DE LA MORT étaient composés de plus de 60 wagons tractés par deux locomotives et comprenaient plus de 8.000 détenus au départ.
Ce train prit la direction de l'est, passant par CHEMNITZ DRESDEN, puis retour sur la TCHÉCOSLOVAQUIE, en direction de PRAGUE.
Dans ces wagons, sans boisson, sans nourriture, depuis plusieurs jours, nos rangs commençaient à s'éclaircir. Nous passons à KARLOVY VARI, à MARIENBA pour arriver à la gare de TACHAV (TACHAO).
Après l'arrêt, les wagons s'ouvrent et l'on découvre des monceaux de cadavres. Les mourants sont achevés d'une balle dans la tête par les S.S.
Les survivants, en colonne par 5, reprennent la route à pied. BARBU me disait : "Nous faisons notre chemin de croix", car à tous les carrefours, nous retrouvions des stèles surmontées d'une croix. Nous étions en Bavière et marchions en direction du Camp de FLOSSEMBURG où nous arrivons dans la nuit.
Quarante-huit heures plus tard, après le passage des troupes américaines à une vingtaine de kilomètres du Camp, à quatre heures de matin, nous reprenions la route en direction du sud avec pour toute nourriture, un béret rempli de grains de blé.
Tous les trainards sont alors achevés d'une rafale de mitraillette par les jeunes S.S. encadrant la colonne.
Jean VANNIER que j'ai retrouvé à GRENOBLE le mois dernier me rappelait que lui-même et Marcel BARBU avaient été obligés par un S.S. à soutenir un Russe pendant plusieurs kilomètres, mais n'avaient pas réussi à le sauver de la mort.
J’ai moi-même, avec COMBOROURE et Georges BADOR, sur notre dernier parcours, aidé Marcel BARBU pour nous écrouler dans un fossé après avoir été rattrapés par une colonne de blindés de la troisième Armée Américaine.
Nous nous sommes installés dans le village de POSING où les ambulances de l'Armée américaine sont venues récupérer les plus mal en point au nombre desquels se trouvait Marcel BARBU.
Après notre séparation, nous avons appris que notre colonne, forte de 8.000 détenus au départ, n'en comptait à peine 4.000 20 jours plus tard.
Après notre rapatriement, j'ai reçu des nouvelles de Marcel BARBU me demandant de venir le rejoindre à VALENCE.
C'est ainsi que je suis devenu VALENTINOIS en AOUT 1945.
Marcel Roger Louis-Marie LE MOING, né le 27 février 1923 à KERWIGNAC (Morbihan).
Il fait partie des FFI de COURBEVOIE (Seine) le 1ᵉʳ janvier 1944.
Il est arrêté le 10 juin 1944 et déporté à Buchenwald (matricule : 77716).
Il est libéré le 26 avril 1945
Voir l’attestation de général de division A. BORGNIS DESBORDES