14 juillet 1790

  ÉTOILE sous la Révolution - Léopold LAMOTHE

 

Chapitre III – 14 juillet 1790

La municipalité et les officiers de la milice bourgeoise ont résolu, à la dernière séance du Conseil général, de célébrer la fête du 14 juillet avec la plus grande solennité. On a fait des préparatifs importants, et il a été attribué quinze sols à chaque garde national et officier inférieur pour payer en partie leurs dépenses au banquet civique qu'on a projeté.

Le colonel MELLERET, invité par le marquis de Lafayette, représentera la commune d`Étoile à la Fédération de Paris.

Pour répondre à l’adresse des citoyens de la Capitale, envoyée à la garde nationale de ce bourg, on a donné à la fête toute la pompe et le patriotisme possibles.

À quatre heures du matin, la milice a fait battre la générale, et à neuf heures, l’assemblée et le rappel. La troupe rangée en bataille sur la place d’Armes, on envoya chercher le drapeau ; et de suite, il fut député une garde d’honneur à la Municipalité réunie à l`Hôtel de Ville, qui s’y rendit et vint se placer dans le centre du bataillon. Tout étant prêt, le colonel ayant ordonné la marche, les gardes nationales se sont mises en mouvement dans le plus grand ordre, avec MM. les Membres du Conseil général, et se sont rendues au Champ de l'Union, ou l’ou avait dressé un autel à quatre faces, de vingt pieds de hauteur, surmonté d’un dôme de trente pieds, orné de feuillage, guirlandes et devises se rapportant à la fête. La troupe a formé un bataillon carré autour  et les officiers municipaux se sont placés dans la galerie qui y était construite. A onze heures et demie précises, MM. Charles-François CHAIX, curé et aumônier de la troupe ; Portes, prêtre ; PÈLERIN et MELLERET, vicaires, revêtus de leurs habits sacerdotaux, ont célébré en même temps la messe. Puis, le maire a prononcé l’allocution suivante :

 (*) Messieurs les officiers, gardes nationales, et vous tous, chers citoyens, nous voici enfin parvenus à ce terme si désiré, celui de consommer l’ouvrage de la bienfaisance d’un Roy citoyen, et du patriotisme d’un peuple libre. Que ce jour, à jamais mémorable, soit gravé dans nos cœurs ! Rappelez-vous que c’est celui qui a éclairé la chute de l’édifice d’esclavage et de servitude !... Qu’il est doux! Qu’il est glorieux, pour moi, de vous dire que dans le cours de cette Révolution, vous ne vous êtes jamais écartés des vrais principes, et que la paix a été conservée dans vos murs, malgré l’exemple contagieux de l’anarchie. Ailleurs, on a franchi, sans retenue, toutes les bornes de la licence. Mais, ici, nous n’avons que des exemples de générosité, et cela ne m’étonne pas, puisque cette vertu est toujours la compagne du vrai courage.

À quoi devons-nous ce bonheur ? Aux bons exemples de vos dignes pasteurs, de vos chefs, de vos officiers municipaux, à votre soumission aux lois, a votre juste confiance en vos représentants et à votre amour pour le Roy le plus chéri et le plus digne de l’être.

Messieurs en m'associant à vos nobles travaux, vous m'avez rendu plus chers vos triomphes ; et il est doux pour moi de n`être étranger à vos soins, ni par mon cœur, ni par ma conduite.

Et vous tons, mes chers concitoyens, vous qui venez de me prouver que l’amour de la liberté peut s’allier dans nos cœurs avec le respect et la fidélité dus à notre Souverain, jouissez des doux fruits de cette liberté ; mais n’en abusez jamais, je vous en conjure par ce qu’il y a de plus saint l Que nos intérêts soient communs ; que nous n'ayons qu’un même sentiment ; que l’amitié et la fraternité règnent à jamais dans les murs de cette cité. Mais rappelez-vous, surtout, que la concorde et l’union sont les compagnons inséparables de la paix. Voilà les vœux de mon cœur et ceux des magistrats que vous avez honorés de votre confiance.

Nous allons prononcer le serment au pied du sanctuaire de l’Éternel. Unissons nos désirs et nos pensées, et dans cet accord des mêmes principes et des mêmes sentiments, jurez tous avec nous de maintenir la Constitution du royaume et d’être fidèles à la Nation, a la Loi et au Roy !

(*) Simon ROUX, avocat.

(*) Gardes nationales, citoyens français, ici assemblés, permettez que je vous fasse part de mes réflexions à l’occasion de la fête civique que nous célébrons. Nous allons faire le serment, le pacte auguste et solennel que toute la Nation contracte en cet instant.

Oui ! Jurons tous, sur nos armes, en présence de l’Être suprême, de vivre et mourir libres, d’être fidèles à la Nation, a la Loi et au Roy, de soutenir de tout notre pouvoir la Constitution décrétée par nos augustes représentants et sanctionnée par le roi.

Gardes nationales, nous ne faisons que le rappeler, ce serment. Nous le prononçâmes à la première Fédération, qui fut tenue dans notre plaine d’Étoile, le 29 novembre 1789 : il est encore gravé dans nos cœurs ; nous ne l’oublierons jamais l

Il ne nous reste qu'à nous unir tous comme de vrais frères et enfants d’une même famille, de nous aider et secourir mutuellement et de verser, s`il est nécessaire, jusqu’à la dernière goutte de notre sang pour le service et la prospérité de notre chère Patrie ! Veillons à sa sécurité, et, par notre vigilance et fermeté, déconcertons les projets dangereux de ses ennemis. Et si jamais nous en connaissons quelqu’un, arrêtons-le pour le mettre sous la puissance de la Loi, qui est seule chargée de punir les crimes.

(*) Gaspard-Félix, colonel par intérim.

Et de suite, M. le Maire ayant chargé le colonel de faire prêter le serment civique, ce dernier,  à midi précis, a dit et haute voix :

Citoyens français, et vous, gardes nationales, levons la main ä la face de l'Être Suprême, et prêtons le serment que à tous nos frères prêtent en cet instant, d’être fidèles à la Nation, à la Loi et au Roi ; de vivre et mourir libres ; de verser, s`il est nécessaire, jusqu’à la dernière goutte de notre  sang pour le service de la Patrie et l’exécution des décrets de l’Assemblée nationale. Faisons aussi le serment de regarder tous les Français comme nos frères et enfants d'une même famille !

Alors les assistants, pénétrés de la grandeur du serment, ont répondu avec enthousiasme : Nous le jurons! Nous le jurons!

Cette cérémonie religieuse étant finie, la troupe s’est mise en marche dans le même ordre qu’elle était venue, et aux cris de : Vive la Nation ! Vive la Loi ! Vive le Roy ! Jusque sur la place d’Armes. La troupe et les citoyens se sont partages eu quatre parties égales et sont allés prendre en commun un repas civique et fraternel, où les santés les plus chères ont été portées. L’effusion du cœur, de l’amitié et de lu fraternité y ont régné dans toute leur pureté.

Cette fête, à jamais mémorable pour ce bourg, s’est terminée par un feu de joie et une brillante illumination générale qui a duré toute la nuit. Les citoyens, en général, de tout sexe, après avoir fait plusieurs farandoles au son des instruments, se sont retirés pour se reposer et reprendre, demain, leurs travaux de la campagne, sous une Constitution qui leur assure la liberté, regrettant que leur fortune et les pressants travaux ne leur aient pas permis ile célébrer cette auguste fête pendant plusieurs jours et avec plus de pompe.

De tout quoi, nous avons dressé le présent procès-verbal. M. le Maire, et M. le Colonel des gardes nationales, étant chargés d’en adresser deux copies collationnées au Président de l'Assemblée nationale, avec prière d’en vouloir bien présenter une à nos augustes représentants, qui ont tant de droit, par leurs vertus, à notre reconnaissance, nous glorifiant d’avoir été les premiers Français qui aient juré sur leurs armes de soutenir leurs décrets dans la  Fédération qui eut lieu dans notre plaine d’Ét0íle, le 29 novembre 1789, et l’autre que nous le prions aussi de vouloir bien faire  agréer à Sa Majesté, comme un tribut que nous devons aux vertus de ce grand monarque, qui est le restaurateur de la Liberté et qui, ii ce titre, mérite tous nos hommages et respects. Enfin, une troisième sera transmise à M. de LAFAYETTE. commandant général des gardes nationales de Paris, en témoignage de ce que nous devons à ses vertus, à ses talents et  son patriotisme  à toute épreuve, le priant de vouloir bien la Communiquer il nos chers Frères, les gardes nationales de la capitale, en les assurant,  de notre part, que nos biens, nos vies sont à leur service, et avons signe :

MELLERET, ROUX, maire ; MARGERIE, BORNE, DESAYMARD, CHAIX, curé et aumônier ; CROZAT, notable ; Marcellin FREYSSIN, SERVAT, CHARIGNON, SAYN, officier municipal ; MARTIN, RAMUS, BORNE, Jullien MELLERET, SAUSSE, CHAMON, MELLERET, grenadier ; ROBERT, major de place ; CHARIGNON, Jean POINT, etc.

Les électeurs des communes d’Étoile, Montmeyran, Lavache, Upie, Montéléger, Fiancey, Beaumont, sont appelés à procédé à la nomination d’un juge de paix. La réunion eut lieu dans l`église paroissiale. Remarquons que notre bourg seul avait droit à un juge de paix, sa population agglomérée étant alors de deux mille âmes (*). Mais l’esprit d’union l’emporta, et toutes les communautés du canton furent d’avis de choisir le même juge. M. MORIER Balthazar fut élu par deux cent cinquante-une voix sur quatre cents votants (12 novembre).

(*) Il est vrai que la crainte des brigands amenait ici tous les habitants de la campagne.

Vive émotion dans la paroisse. Des placards incendiaires furent opposés aux portes de l’église et de la ville (porte de Laye), par des gens  « mal intentionnés ». Ces placards portaient qu’on ne devait plus payer le cens aux ci-devant seigneurs d’étoile, qu’il fallait détruire les châteaux, brûler les titres de noblesse, etc.

Pour éviter des émeutes, il est ordonné  « que les affiches pernicieuses seront enlevées immédiatement, et déposées aux archives  pour servir de pièces à conviction dans la recherches des coupables ».

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Date de dernière mise à jour : 24/09/2022

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