Quelles sont ces personnes qui, en début 1943, viennent troubler la quiétude des habitants de Combovin ?
La communauté Marcel BARBU, c’est d’abord une entreprise : Boitiers de Montres du Dauphiné, qui donnera le nom de Boimondau après la guerre. C’est aussi un groupe de personnes qui veut créer une autre société : une communauté d’hommes et de femmes, mobilisée pour changer de vie, basée sur la confiance, la solidarité…
L’entreprise n’est que le moyen de subvenir aux familles, mais en période de guerre, ce n’est pas suffisant : la population manque de tout.
Tout se passe bien pour les compagnons pendant le premier semestre 1942 : la production réalisée dans les ateliers de Valence augmente et l’esprit collectif évolue. Les familles se rencontrent souvent et apprennent à se connaitre.
Le 22 juin 1942, Pierre LAVAL annonce la mise en place de La Relève, c’est-à-dire, que trois travailleurs français volontaires vont travailler en Allemagne pour permettre le retour d’un prisonnier français. L’objectif est d’atteindre le retour de 50 000 prisonniers grâce au départ 150 000 ouvriers français.
Vif débat dans la Communauté. Marcel BARBU, maréchaliste comme beaucoup de Français, pense dans un premier, temps que la Communauté ne peut être amputée d’un de ses membres.
Tous les membres doivent se déclarer volontaires si l'un d'entre eux recevaient, du gouvernement, l'ordre de partir. Les membres de la Communauté ne se proposant pas comme volontaires, mais étant décidés, par discipline, à obéir à un ordre du gouvernement.
MOTIFS :
1°) Nous avions donné notre confiance au Maréchal.
2°) Le Maréchal semblait couvrir le gouvernement.
3°) Le gouvernement seul avait en mains les éléments d'appréciation
4°) Ayant fait confiance au Maréchal, nous avions le devoir de lui obéir sans discuter.
Lettre de la Communauté au maréchal PÉTAIN
Bien vite, le doute s’installe.
Fin août 1942, la Communauté s’oppose à l’envoi d’un de ses membres en Allemagne dans le cas de la Relève.
Avant la fin de l’année 1942, les évènements s’accélèrent :
Marcel BARBU est incarcéré à Fort-Barraux par l’arrêté du Préfet de la Drôme du 28 octobre 1942 :
Considérant que Mr BARBU, industriel à VALENCE, a engagé ses ouvriers à opposer un refus aux demandes d'engagement pour le recrutement de main d'œuvre en Allemagne.
Qu'ainsi qu'il reconnaît, il s’est entendu avec son personnel pour opposer par tous les moyens aux mesures prévues par le Gouvernement en vue de la "Relève".
Que cette attitude est non seulement inadmissible nais encore dangereuse pour l’ordre public.
Le 11 novembre, la zone sud est envahie par les troupes italiennes et allemandes.
Depuis Fort-Barraux, BARBU ne baisse pas les bras.
Témoignage de Roger STÉPHANE :
12 novembre 1943 : Car depuis deux jours, BARBU ne médite rien de moins qu’une évasion collective, précédée, si cela est nécessaire, d’une révolte. Et il voulait savoir combien Uriage pourrait héberger de fugitifs, et ce que l’on en pourrait faire.
14 novembre : La révolte couve. BARBU ne veut pas d’un mouvement dont tous les politiques ne bénéficiaient pas.
… Sa bonhomie, son courage, son intransigeance ont surpris les communistes eux-mêmes.
[Pages 259-260 « Chaque homme est lié au monde, Roger STÉPHANE]
La Relève n’a pas donné les résultats escomptés, instauration du STO par la loi du 16 février 1943
Après deux mois d’emprisonnement, Marcel BARBU décide de « mettre à l’abri » les hommes de la communauté qui risquent d’être obligés de partir. Chose faire par l’achat de la ferme de Mourras, il envoie une lettre à Pétain.
Le 2 mars 1943,
Décision unanime de pousser ce refus jusqu'à la perte de nos libertés et même de nos vies.
1°) Dans des conditions que nous ne pouvons relater, nous avons acquis la certitude absolue de ce que le Maréchal considérait la relève comme une duperie et voudrait pouvoir conseiller publiquement l'abstention (chose qu'il ne pouvait matériellement pas faire).
2°) Les événements nous ont démontré (occupation de la zone libre, volontariat forcé, départs massifs en Allemagne) que nous ne pouvions même plus continuer à considérer le Maréchal comme étant en mesure de défendre et diriger librement notre pays.
3°) Aimant avec passion notre pays, nous considérons :
1°) Que nous ne devons rien attendre de l'étranger quel qu'il soit et que seuls les Français sauveront la France, que c'est donc un devoir, pour un français, de tout risquer pour demeurer à son poste, en France.
2°) Qu'il n'est pas question, pour la France, d'une victoire militaire, de qui que ce soit à son profit.
3°) Qu'il est heureusement d'autres victoires plus utiles et plus durables que la victoire militaire.
4°) Que la mission de la France est de trouver, pour le reste du monde qui se bat, la solution qui, après la bataille, lui procurera la paix sociale.
5°) Que le communisme n'est dangereux que dans la mesure où l'on ne peut le dépasser par des réalisations sociales plus juste et plus humaine que les siennes.
6°) Qu'il nous faut préférer une franche oppression à cette fausse et donc honteuse collaboration.
7°) Que nous ne pouvons plus accepter le principe du chantage aux "représailles" au moyen duquel le vainqueur peut nous faire accepter toutes les lâchetés.
8°) Qu'un retour au passé est absolument impossible. Qu'on ne nous parle donc pas d'aménagement du capitaliste ni du libéralisme.
Combovin accueille ainsi des personnes « libres, résistantes et révolutionnaires ».