Quand dans mes lectures un nom, un lieu, cités, font résonance avec mes centres d’intérêt, je tisse les liens : Communauté de travail, Résistance, Étoile-sur-Rhône…
Le journal de Marianne (numéro 1280 du 24 septembre 2021) dans un article, traite de l’incendie de Marseille en 1938.
L’un des personnages cités est Jean Cristofol, député communiste élu en 1936, et interné à Alger.
Sa fille Solange, après avoir rencontré Marcel Barbu lors d’une conférence à Marseille, vient se cacher à la ferme de Saint-Raymond (Combovin) où est retranchée la communauté. Elle rencontre une autre jeune marseillaise qui a fait le même trajet : Marie-Antoinette Vergès.
Solange se marie avec un jeune compagnon en mai 1944.
Dans le Lien N° 10 de février 1944, Solange Cristofol fait un compte rendu de son voyage à Besançon :
Il était une fois…
Il était une fois, dans une grise ville de Franche-Comté, cinq Compagnons, cinq Compagnons en mission dans une usine de boîtes de montes. Je leur rendis visite et pendant quelques jours, je partageais leur intimité.
Ce fut une réception bien sympathique, enfin une réception digne de Compagnons. À cette occasion, je suis invité à diner le premier soir chez eux. Tout semblait devoir être parfait avec de tels spécialistes : deux cuisiniers, un plongeur… Mais vint le moment de mettre le couvert. Hélas ! quelle déception, on s’aperçoit qu’il y a quatre assiettes creuses et trois couverts. On se compte… six…, mais en cherchant bien jusqu’au fond du placard, on retrouve des assiettes plates et un couvert en bois. C’est déjà mieux, et pour tout arranger un roulement est établi. Tout est prêt, il y a eu assez des deux casseroles pour cuisiner ce succulent repas composé d’un potage maison, de pommes en robe des champs, saucissons de pigeons… Ah ! nous y voilà ! C’est l’heure de se mettre à table, tout le monde a faim, on se précipite, mais… eh oui ! Il n’y a que deux chaises. Vite au rez-de-chaussée, on en récupère deux, puis on parle de valise, de table de nuit, non, on rapproche la table du lit et nous voilà tous installés pour une sympathique petite réunion matérialiste !
Le lendemain soir, le repas nous réunit encore dans leur petit logement ; c’est le jour de paie, aussi. Ils sont tous assis autour de la table, attentifs et sérieux, c’est le règlement des comptes. Il y a un qui, le crayon à la main, fait les parts : il s’agit du lavage, achat de viande, de pommes de terre… et aussi les bonnes petites notes de l’équipe Ravitaillement. On sort les portefeuilles et avec méthode chacun se dégarnit… déjà ! J’avoue que, même sans comptable, tout s’est bien passé.
Puis, on parle de « Pipette » qui s’est fâchée parce que les « charbonnettes » déchiraient la tapisserie. Mais nos Compagnons se consolent, car ils sauront bien se faire pardonner.
Ensuite, ce fut la visite de l’usine. Mais comment vous dire ? Lorsqu’un jour vous la visiterez, votre guide vous fera passer par de petites portes, monter d’étroits escaliers, traverser un minuscule escalier, redescendre, rentrer dans une toute petite pièce, vous serez obligés de vous faire tout petit pour passer entre les établis, les ouvriers, les poêles et leurs tuyaux !…
Je m’installe au bureau. Ici encore, tout est petit petit, pourtant de grandes baies me permettent de voir, tout à mon aise, se recouvrir les toits d’un joli manteau blanc.
Photo : De gauche à droite : Maurice Lemercier et son épouse, et Solange Cristofol à Marseille